Cette épine stellaire qui flambe l’œil du nomade, comme miroir des turquoises asséchées, l’attente du puits, les brûlures de la langue sous les paupières de l’errance, le cortège des rires amoureux dans le canyon du regard enfoui, cette pudeur assassine des hommes sabrés de tempêtes, vêtus des signes de la dépossession. Cette bataille perdue ne le fut que par le mensonge inégal. Leur lame brille dans le reflet du quartz. Chaque grain de sable est un souffle de cristal, et des armées de sang s’y engouffrent dans le désespoir des oubliés. Ici au Mali, ici au Niger, ici en Algérie et en Libye, les tribus de l’être dorment sous le pavé des soleils. Ici au Ténéré, dans l’amnésie saharienne ou le déni de la pierre, viennent boire aux illusions les troupeaux de la résistance. Ils ont chanté l’amour, pleuré comme des enfants la pulpe inaccessible des orchidées, humé dans l’absolu les parfums qui vivent au nez des poésies folles. Loin de tout, loin de celles qui gravent sur leur peau les alphabets du henné, ceux qui ignoraient que le tracé des plumes coupe la chair des lunes, ceux qui dansaient dans les aubes de satin ont appris qu’une flèche a tué le printemps des voyages. Touareg des précipices, ton nom sonnait aux cors des soulèvements, tes parures d’austérité provoquaient le rite des ablutions.
Chaque pas méhari est un trait d’union dans la distance. Tu attends dans la nuit les épanchements du monde. Cette voûte qui assure à ton pied le cirque des féeries ; quand le ciel est la racine des pensées et que la dune se convie à tes libations. L’intimité du crime est aussi le sourire des guerriers. Et dans la pénombre des océans sans eau le scorpion des amitiés vient ficher son dard dans l’horizon des délaissés.
Visage caché des silences patients, strié de veines et irrigué de rides, ce coucher des astres où veuve la lumière de carmins, ce repliement des fusions dans les extrêmes du chrome. Hospices des fièvres et des tourments, la faim encore jaillissant des vertiges, le tournoiement des chevaux harnachés d’or et d’argent. Le piège de la douceur de ces yeux fixés sur la tempe des montagnes quand l’erg touche la colonne vertébrale des infinis. Assise devant la braise la femme écoute les parures de la pluie, celle inconnue des années affamées, celle aux caprices buissonniers, quand l’oryx et l’addax flairent la délivrance à des centaines de kilomètres. Tu dessines sur ton corps les pliures de l’absence, le sel ivre des solitudes entravées. Tu passes fil à fil le chat des tissages et des chèches. Celui qui enrobe de mystère la fierté des cavaliers.